dimanche 31 mai 2009

Shark finning



Je sombre...

Le sel me ronge...

Les rais de lumière peinent à m'atteindre.

Comment tout cela est-il arrivé déjà? Ah oui...

Je nageais paisiblement sous la surface de l'eau en repensant au festin de la nuit. Le soleil me réchauffait doucement le dos, la mer était claire et calme.

Tout de même, j'avais détecté la présence d'un bateau: la petite tâche sombre et bruyante, au loin. Je ne m'en préoccupais guère, tout entier à mon repos dans ces eaux tièdes.

Mais soudain, il était là, massif et assourdissant. Malgré cela, j'entendis l'agitation des hommes sur le pont: ils criaient et piétinaient. Quelle discrétion! C'est une espèce encore jeune et turbulente, me dis-je. J'avisai de m'éloigner quand ils attaquèrent.

Tout fut très rapide. Quelque chose de fin s'enroula autour de moi, tiraillant ma peau, et me souleva hors de l'eau. Je me débattis avec fureur, mais déjà, j'étais sur le pont, asphyxié, tentant de mordre, en vain. Ces hommes avaient l'air habitué à s'occuper des gens de mon espèce. Quelques secondes plus tard, une douleur aiguë s'insinua dans une de mes nageoires, puis dans une autre...Toutes furent touchées. Je notai qu'à chaque fois, les hommes récupéraient quelque chose. J'ai vite compris qu'ils me dépouillaient de mes ailerons. La rage m'envahit, et je tentai de mordre encore, mais je n'atteignis que le vide. Cependant, une peur sourde s'immisça peu à peu en moi: qu'allais-je faire sans nageoires?

A peine y avais-je pensé qu'ils me rejetèrent à la mer, exsangue.

Voilà.

Sans nageoires, je ne peux plus me diriger, je ne suis plus qu'une simple masse dans l'eau.

Je sombre...Le sel brûle mes plaies...

Bientôt, je ne verrai plus la lumière... Serai-je mort avant de toucher le fond? Sera-ce la pression trop intense, ou bien la faim qui aura raison de moi? Ou encore un camarade, attiré par l'odeur de mon sang?

Les hommes sont bien trop cruels pour avoir pensé à m'achever. Drôles de prédateurs, qui causent tant de souffrance pour ne récupérer que quelques ailerons. Que leur trouvent-ils de si particulier? Combien de requins comme moi leur faudra-t-il pour les rassasier? Nous existons depuis si longtemps, c'est donc cette espèce juvénile qui nous fera disparaître?...

Je n'ai plus la force de me révolter, mais je peux encore constater: quelle pitié...

Adieu.